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3 janvier 2012 2 03 /01 /janvier /2012 10:25

http://blogimg.goo.ne.jp/user_image/22/6f/10385e350fac071bc7f7c7274ecbcaea.jpgOma, petite ville côtière située tout au nord de Honshu, la plus grande île du Japon. Cette ville tranquille où les habitants vivent de la pêche au thon rouge est le point central d'une lutte anti-nucléaire depuis 1982. Asako Kumagai, vieille dame qui possède des terrains sur la côte, aimait trop les beaux paysages naturels et les ressources de la mer pour laisser se construire sous ses yeux une centrale nucléaire.

 

Asako a ainsi refusé une offre alléchante de quelques 2 millions de dollars pour son terrain de 12.000 m². La compagnie J-Power a besoin de ce terrain (ainsi que de tout ceux alentours) pour implanter sa centrale nucléaire à MOX(1)

de près de 1400 mégawatts.

 

Pour marquer sa résistance, Asako construit une petite maison de bois. Cette maisonnette obligea J-Power à modifier ses plans et à déplacer l'un de ses réacteurs de 250 mètres pour respecter les normes de distance entre un réacteur et une habitation. Pour autant, l'ouverture de la centrale, actuellement en construction, est toujours prévue pour novembre 2014. Les travaux actuels portent sur la résistance aux tremblements de terre. Une caution qui fait que malgré Fukushima, le projet MOX à Oma n'est pas abandonné.

 

De mère en fille

 

Harcelée par courrier et téléphone, par les autorités locales et les voisins qui lui recommandent de vendre, suivie par de mystérieux anonymes, Asako meurt subitement en mai 2006 d'une piqûre de punaise vénimeuse. Certes la dame était âgée, mais les statistiques ne rapportent pas de morts de ce genre en 40 ans.

Depuis, sa fille, Ogasawara Atsuko, a repris sa lutte. Habitant en ville, elle vient plusieurs fois par semaine s'occuper de la petite maison, dénommée Asako House. Elle y a fait installer des panneaux solaires pour bien signifier qu'elle n'a pas besoin de l'énergie de la centrale.

Mais aujourd'hui, la petite route qui mène à Asako House est grillagée de part et d'autre. Des panneaux "Keep Out" invitent à faire demi-tour. Un garde filtre les visiteurs à l'entrée de la route. J-Power est en effet propriétaire du terrain de cette voie privée. Ils songent d'ailleurs à la faire fermer, au prétexte que personne ne l'emprunte. Ogasawara a donc lancé une nouvelle initiative internationale : demander au monde de lui envoyer une lettre de temps à autre, de façon à ce qu'au moins une personne (en l'occurence, le facteur) prenne régulièrement cette route.

 

J-Power a aidé la région

 

Sans conteste, J-Power a fait beaucoup pour la préfecture d'Oma et sa communauté. Outre les rachats généreux de terrains, la compagnie doit verser des subventions aux autorités locales. Au total (particuliers et administrations), on parle de 136 millions de dollars répartis sur 29 ans. Ces subventions ont permis de rénover l'hôpital et de construire une maison de retraite. La mairie voit donc d'un bon oeil l'arrivée de la centrale. Car elle rime aussi avec la création d'emplois, au sein-même de la centrale mais aussi dans la ville (commerces). Ce complexe permettrait de redonner souffle à une communauté rurale qui fait face à l'exode de sa jeunesse.

Oui mais à quel prix ? Après la catastrophe de Fukushima le 11 mars 2011, la lutte d'Asako et de sa famille revient sur le devant de la scène.

 

La lutte anti-nucléaire relancée

 

Par le passé, les compagnies japonaises ont eu à essuyer d'autres refus. Depuis le lancement de la politique nucléaire du Japon, en 1961, une trentaine de villes a refusé l'implantation de centrales sur leurs prémices, ce qui a mené à une concentration des centrales sur environ 15 zones. Notamment, la préfecture de Fukui, au centre de Honshu, qui détient le record mondial de concentration de centrales nucléaires.

 

La particularité de la lutte d'Asako et sa fille est qu'elles sont seules contre tous. Ou plutôt, étaient. Car depuis la catastrophe de Fukushima, une prise de conscience nationale tend à aller dans le sens d'un refus du nucléaire. Sur les 54 réacteurs en activité début 2011, seuls 6 le sont aujourd'hui.
Fin mai 2011, un festival rock s'est tenu sur les terrains d'Asako House, pour soutenir son combat. Et de plus en plus de gens, à travers le monde, pensent à envoyer une petite lettre au symbole japonais de la lutte anti-nucléaire.

 

Si vous aussi, vous voulez montrer votre soutien à l'Asako House, voici l'adresse où vous pouvez écrire :

Asako House

aza-kookuto 396

Oma-machi

Shimokitagun

Aomori Pref.

039-4601

Japan

On recommandera d'écrire en anglais (à moins que vous ne soyez familiers avec le japonais). Le prix d'un envoi international vers le Japon est de 0.89€ (timbres mauves).

 

 

 

 

 

1Le MOX, ou mélange d'oxydes, est composé de 7% de plutonium et de 93% d'uranium appauvri. Produit par le groupe français Areva, il permet de recycler les déchets des centrales nucléaires en en faisant un nouveau combustible. Cependant, il est beaucoup plus radioactif que du simple uranium. Les Etats-unis ont ainsi abandonnés cette option dès 1960, la jugeant trop dangereuse. Les centrales utilisant actuellement du MOX (et dont faisait partie celle de Fukushima) n'en utilise que 30 à 50%, associé à de l'uranium. La centrale de Oma serait la première à fonctionner avec 100% de MOX.

 

 

Sources

 

Merci à tous ceux qui ont relayé et continue de relayer la lutte d'Asako.

notamment Pierre Fetet (du Blog de Fukushima en français) et Iori Mochizuki (du blog Fukushima Diary en anglais).

Voir aussi l'article de Bloomberg sur Asako House, et celui de l'association japonaise CNIC.

Pour ceux qui lisent le japonais, cliquez ici pour le message original lancé par Ogasawara.

Pour plus d'infos sur le MOX, voir le dossier technique de Greenpeace, et l'article de Rhadj.com sur les livraisons de MOX par Areva au Japon.

 

Noura Bouchaïr

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